Concertation dans le cadre des Assises de l'Enseignement supérieur et de la recherche 8 octobre 2012
Résumé préliminaire :
Les associations Femmes & Sciences, femmes et mathématiques et Femmes Ingénieures sont expertes dans la promotion des sciences pour les jeunes, et en particulier les jeunes filles, et le soutien des femmes dans les métiers scientifiques et techniques. Elles font ici des propositions concrètes dans le cadre des Assises de l’Enseignement supérieur et de la recherche sur les thématiques « recomposition du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche, de ses articulations et collaborations » et « réussite de tous les étudiants ».
Pour ces associations, cette recomposition implique de rendre plus facile la carrière des femmes scientifiques, techniciennes et ingénieures, dont les talents sont indispensables à notre pays, en particulier en appliquant une véritable politique de parité dans ce secteur.
Les actions de ces associations pour témoigner des métiers scientifiques et techniques auprès de lycéen-ne-s et d’étudiant-e-s contribuent à l’amélioration de l’orientation de ces jeunes, et un certain nombre d’actions pour aider à leur réussite sont suggérées, elles concernent non seulement la formation des étudiants, mais aussi celle du corps enseignant.
Avis et propositions :
Les association Femmes & Sciences, femmes & mathématiques et Femmes Ingénieures sont reconnues pour leur expertise dans le domaine de la promotion des femmes scientifiques, techniciennes et ingénieures et celui de l’orientation des jeunes vers les métiers des sciences et de la technologie. Début 2012, elles ont élaboré 20 propositions pragmatiques et simples à mettre en œuvre qui visent à une meilleure reconnaissance et utilisation de la compétence des femmes scientifiques, techniciennes et ingénieures dans les universités, les centres de recherche, et les entreprises : (https://sites.google.com/site/fscientifiquesingenieures/nos-propositions). Cette contribution reprend parmi ces propositions celles qui concernent plus particulièrement l’enseignement supérieur et la recherche.
Les nombreuses données disponibles confirment que les femmes scientifiques, statistiquement, accèdent moins aux postes supérieurs que leurs homologues masculins et sont sous-représentées dans les postes de responsabilité de la recherche et de l’université. Par exemple, alors que 59% des diplômés de l’enseignement supérieur sont des femmes, on trouve moins de 20% de femmes parmi les professeurs. Les raisons en sont multiples et complémentaires, certaines sont liées à la difficulté de concilier carrière et éducation des enfants, d’autres aux représentations de la société sur le rôle des femmes.
Les propositions sont articulées autour de quatre thèmes.
1. Déconstruire les idées reçues de la société concernant les femmes et les sciences. 2. Encourager l’orientation des jeunes et plus particulièrement des jeunes filles vers les filières scientifiques et techniques. 3. Repenser la place des sciences et de l’ingénierie dans l’éducation. 4. Faciliter la carrière des femmes scientifiques, techniciennes et ingénieures.
Les trois premiers thèmes relèvent de l’enseignement en général, mais les propositions doivent sans aucun doute être considérées dans le cadre de l’enseignement supérieur et de la recherche. On y revient plus loin.
Notre quatrième thème concerne tout spécialement la carrière des femmes scientifiques, techniciennes et ingénieures et relève pleinement de ces assises, en particulier de la thématique « recomposition du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche, de ses articulations et collaborations ». Elles sont rappelées ci-dessous :
- Réaliser chaque année des statistiques sexuées nationales concernant les chercheurs et les chercheuses et les personnels de la recherche publique (Proposition 15). Sans ces données, suffisamment détaillées par organisme, discipline et grade, il est impossible de se situer, suivre les promotions par sexe, surveiller l’évolution par rapport aux autres pays (voir par exemple le recueil « She Figures 2012 » de la Commission Européenne, à http://ec.europa.eu/research/science- society/document_library/pdf_06/she_figures_2012_en.pdf )
et de mettre en place une politique spécifique pour promouvoir l’égalité des femmes et des hommes. Le livret « La parité dans les métiers du CNRS » (http://bilansocial.dsi.cnrs.fr/pdf/parite-2010.pdf) est un bon exemple qui devrait être suivi par l’enseignement supérieur et par les autres organismes de recherche publique.
- Rendre obligatoire un volet spécifique sur les fonctions techniques dans le « Rapport de situation comparée des conditions d’emploi et de formation des femmes et des hommes » (Proposition 16). Dans ce rapport, déjà obligatoire dans les grandes entreprises, les catégories socioprofessionnelles ne permettent pas toujours d’identifier les fonctions techniques. Un critère obligatoire différentiant les emplois requérant des compétences technologiques ou scientifiques aiderait à la mise en place de politique de mixité pour ces fonctions.
- Favoriser et inciter le développement de réseaux de femmes ingénieures et scientifiques (Proposition 20). L’efficacité des réseaux pour favoriser la progression des carrières n’est plus à démontrer. Or les femmes participent statistiquement moins aux réseaux professionnels et seules les grandes entreprises ont les moyens de promouvoir un réseau de femmes en interne. Les ministères (Industrie, Enseignement supérieur et Recherche, Agriculture) doivent mettre en place des relais pour aider les réseaux existants à se démultiplier et laisser du temps aux femmes pour y participer.
- Exiger un minimum de 30 % de chaque sexe dans les conseils d’établissement et dans les comités de sélection des universités et des grandes écoles scientifiques, les instances de décision des organismes scientifiques, les comités de pilotage de la recherche et de l’innovation, les comités d'expert-e-s (par une loi) (Propositions 4 et 17). Les femmes doivent participer et contribuer aux décisions des organismes dans lesquels elles travaillent. Lorsque le vivier le permet ce taux doit être de 40 % comme la loi 2012-347 du 12 mars 2012 le demande pour les comités de sélection.
- Promouvoir, comme un critère fondamental de bonne gestion, la mise en place d’une politique globale de parité, dans les entreprises, les universités et les centres de recherche (Proposition 18). Afin d’être efficaces, les politiques pour améliorer la carrière des femmes doivent être globales, porter sur plusieurs aspects complémentaires et être soutenues par la direction de l’établissement. Ces aspects sont, par exemple : faire évoluer les critères de promotion, en particulier en ouvrant des alternatives à la mobilité géographique ; encourager la présence des femmes comme expertes ; mettre en place des aides financières ou d'organisation, dans leur travail et dans leur vie, pour les femmes au retour de leur congé maternité, pour les femmes avec enfants en mission ou pour les personnes en charge de parents âgés ; faciliter l’articulation de la vie familiale et de la vie professionnelle pour les hommes et pour les femmes (horaires des réunions, gardes d’enfant) ; organiser des actions de sensibilisation des femmes pour développer une stratégie de promotion de leurs réalisations.
- Lier une part de l’attribution du budget des établissements d’enseignement supérieur publics aux résultats en matière de parité (Proposition 19). Atteindre une égalité entre les femmes et les hommes dans les universités et les grandes écoles n’est possible qu’avec une volonté politique. Cette volonté sera facilitée par un financement spécifique incitatif et une évaluation a posteriori.
Notre thème 2 « Encourager l'orientation des jeunes, plus particulièrement des jeunes filles, vers les filières scientifiques et techniques », est une façon d’assurer la relève dans l’enseignement supérieur et la recherche de demain. Il est pleinement dans la première thématique de ces assises : « réussite de tous les étudiants ». Les cinq propositions rappelées ci-dessous concernent soit les étudiant-e-s, soit les personnels des établissements d'enseignement supérieur ou de recherche, mais ont aussi un impact sur l’enseignement secondaire et, dans une moindre mesure, les entreprises.
- Faire un enjeu national de l’information des étudiant-e-s, des professionnel-le-s de l’orientation, des enseignant-e-s et des parents, sur les métiers scientifiques et technologiques en montrant qu’ils conviennent tout autant aux filles qu’aux garçons (Proposition 6). Les jeunes, et plus particulièrement les jeunes filles, ne s’orientent pas vers ces métiers parce qu’ils ou elles ne les connaissent pas ou en ont une représentation fausse. Pour cela, il convient d’organiser des campagnes médiatiques en faisant intervenir des images et des voix de femmes dans une proportion équivalente à celles des hommes, de favoriser les interventions de femmes scientifiques dans les classes, de promouvoir le Prix de la vocation scientifique et technique des filles
http://femmes.gouv.fr/dossiers/egalite-professionnelle/promotion-de-legalite-professionnelle/le-prix-de-la-vocation-scientifique-et-technique-des-filles-pvst/ (Voir aussi plus bas la Proposition 10) et les initiatives comme les Olympiades nationales de mathématiques, informatique, physique, chimie, géosciences et sciences de l’ingénieur http://eduscol.education.fr/cid46901/olympiades-academiques-de-mathematiques.html http://www.france-ioi.org/ioi/index.php http://www.education.gouv.fr/cid53689/les-olympiades-nationales-de-physique.html http://eduscol.education.fr/cid45596/olympiades-nationales-de-la-chimie.html http://eduscol.education.fr/cid46899/olympiades-academiques-des-geosciences.html#lien6 http://www.olympiadessi.org/
- Encourager entreprises et centres de recherche à permettre à leurs employées de participer à des actions de promotion des sciences dans les établissements scolaires sur leur temps de travail (Proposition 7). Les témoignages de professionnelles dans les collèges et lycées d’enseignement général ou technologique sont le meilleur moyen de rendre concrets les métiers auxquels préparent les études scientifiques. C’est aussi l’occasion pour les ingénieures et les chercheuses de montrer leur enthousiasme et leur capacité à innover dans l’industrie tout en développant des compétences de communication utiles pour progresser dans leur propre carrière.
- Former des adultes référent-e-s pour l’accueil des jeunes filles dans les filières où elles sont très minoritaires (Proposition 8). Les jeunes filles dans les filières professionnelles, technologiques et industrielles dans les lycées ou en Sections de techniciens supérieurs industrielles sont souvent mal accueillies par leurs camarades-garçons. Les conséquences de ce qu’il convient de nommer harcèlement sont souvent sous-estimées par les professionnels en charge des élèves.
- Donner aux filles et aux garçons une égalité d’accès aux internats dans toutes les filières. (Proposition 9). Les filles, plus particulièrement celles issues de milieux modestes, sont parfois amenées à renoncer à une formation parce qu’elles doivent trouver une chambre par elles-mêmes et pour un coût plus important que l’internat réservé aux garçons. http://www.ouvronslesportes.org/
- Organiser un réseau de promotion des métiers scientifiques et d’entraide autour des lauréates du PVST au niveau régional et national. (Proposition 10). Les lauréates du PVST (Prix de la vocation scientifique et technique des filles) ont été sélectionnées pour un projet professionnel original et sont d’origine socio-culturelle plus diverse que la population générale des femmes scientifiques. Il convient de les aider dans leur projet et d’en faire aussi des ambassadrices pour promouvoir les filières scientifiques et techniques. L’initiative de la région Ile-de-France http://www.allezlesfilles-osezlessciences.fr/ dans ce domaine devrait être étendue à toutes les régions.
Relève également de la thématique « réussite de tous les étudiants » la proposition suivante qui vise à déconstruire les idées reçues de la société concernant les femmes et les sciences, et à éviter l’autocensure des filles vis-à-vis de cursus et de métiers où elles réussiraient.
- Organiser une formation initiale et continue sur l’égalité filles-garçons pour les enseignant-e-s du premier degré comme du second degré des collèges et lycées généraux, professionnels et technologiques, et les conseiller-e-s d’orientation psychologues (Proposition 1). Les enseignant-e-s, comme nous tous et toutes, sont imprégné-e-s des stéréotypes de la société sur les rôles sociaux et les métiers. Ces personnels de l’éducation transmettent, à leur insu, des idées reçues alors que c’est au niveau des jeunes qu’il convient de poser les bases de l’égalité femme – homme de la société de demain. Il faut proposer des modules de formation initiale et des stages de formation continue à destination de tous les acteurs du système éducatif.